mardi, août 31, 2004

An die Musik


Du holde Kunst, in wieviel grauen Stunden,
Wo mich des Lebens wilder Kreis umstrickt,
Hast du mein Herz zu warmer Lieb entzunden,
Hast mich : in eine beßre Welt entrückt! :
Oft hat ein Seufzer, deiner Harf' entflossen,
Ein süßer, heiliger Akkord von dir
Den Himmel beßrer Zeiten mir erschlossen,
: Du holde Kunst, ich danke dir dafür! :

Huile sur bois, 30 x 40 cm

samedi, juin 05, 2004

Leçons de ténèbres


par Françoise Chandernagor
La Sans Pareille (extrait)

La pièce était plongée dans une demi-pénombre, mais la femme qui s'y tenait suffisait à l'éclairer.Ce fut son visage d'opale que vis en premier, la chevelure ardente qui le couronnait, puis ce regard gris un peu voilé qui parcourait distraitement l'image que lui renvoyait une glace dorée, placée sur la cheminée. Une seule lampe posait, sur le miroir et la figure qu'il réfléchissait, une lueur diffuse, laissant le reste dans l'obscurité. Cerné d'ombre et d'or, ce reflet sans corps se détachait comme un portrait ; et peut-être l'avais-je pris d'abord pour un tableau, car je me souviens d'avoir songé que tout - l'entrelacs de nattes rousses qui ceignait le front, les manches de velours vert à crevés de dentelles, la ceinture nouée sous la poitrine - révélait un peintre du Quattrocento....L'inconnue, dont je commençais à distinguer les épaules et le dos à mis-chemin de la lumière et de la porte où je me tenais, buvait avec lenteur, et debout, se regardait boire au fond du miroir. La gravité de son maintien, la mélancolie des yeux, la paleur du teint rappelaient les Salomé tristes de Filippo Lippi, ses Vénus timides, ses vierges alanguies... Je ne pouvais détacher mes yeux de cette beauté, plus pure de paraître ignorée, plus éclatante d'avoir l'air dédaignée. Demeurai-je plongé dans cette contemplation plus longtemps qu'il ne convenait ? Je n'avais pas vu les minutes passer, mais, quand un frémissement amena au bord des cils deux larmes qui coupèrent les joues du portrait et que la jeune femme tenta de cacher son visage, l'idée m'éffleura qu'elle se savait regardée... Dans le mouvement qu'elle fit pour masquer ses traits, ses manches se déployèrent: ailes dépliées, elle semblait un grand paon de nuit crucifié.Comme on sent le sable se dérober sous les pas quand la mer s'en va, je me sentis entrainé vers le large dans un cauchemar qui ne me regardait pas. Durant quelques secondes, je me crus traversé de sentiments qui m'étaient étrangers, de délires qui ne me ressemblaient pas. Un instant il me sembla même que, par un étrange renversement, je voyais la pièce, la scène, dans la glace et par ses yeux: au premier plan, son visage; derrière, dans l'ombre un pan de rideau et la masse d'un grand classeur à casiers; dans l'angle gauche enfin, cette porte brusquement ouverte sur la clarté du couloir, où s'encadrait un jeune homme brun qu'elle ne connaissait pas, un homme dans lequel je ne me reconnus plus. Une silhouette brossée à grands traits, une figure à peine esquissée. A la manière de l'artiste qui ne se peint dans un coin du tableau que pour en souligner l'authenticité...Un miroir où l'on découvre son visage ne reflète-t-il pas aussi les objects, les êtres autour de soi? Le voyeur caché ne s'y livre-t-il pas au regard qu'il croit dérober ? Je craignis d'appartenir à l'inconnue autant qu'elle m'était livrée. Je refermais la porte et m'éloignais.
Huile sur bois, 30x40 cm